Avec le plein emploi de l’après-guerre, le revenu moyen des ménages a augmenté et les foyers s’équipent. La chanson de Boris Vian « la complainte du progrès ! » illustre bien cette nouvelle ère.
Autrefois pour faire sa cour on parlait d’amour
Pour mieux prouver son ardeur on offrait son cœur
Maintenant c’est plus pareil, ça change et ça change
Pour séduire le cher ange on lui glisse à l’oreille
« Ah Gudule, viens m’embrasser, et je te donnerai »
Un frigidaire, un joli scooter, un atomixer et du Dunlopillo
Une cuisinière, avec un four en verre
Des tas de couverts et des pelles à gâteau !
Une tourniquette pour faire la vinaigrette
Un bel aérateur pour bouffer les odeurs
Des draps qui chauffent, un pistolet à gaufres
Un avion pour deux et nous serons heureux !
Autrefois s’il arrivait que l’on se querelle
L’air lugubre on s’en allait en laissant la vaisselle
Maintenant que voulez-vous ? La vie est si chère
On dit « rentre chez ta mère » et on se garde tout
« Ah Gudule, excuse-toi, ou je reprends tout ça »
Mon frigidaire, mon armoire à cuillères
Mon évier en fer, et mon poêle à mazout
Mon cire-godasses, mon repasse-limaces
Mon tabouret à glace et mon chasse-filous !
La tourniquette à faire la vinaigrette
Le ratatine-ordures et le coupe-friture
Et si la belle se montre encore rebelle
On la ficelle dehors, pour confier son sort
Au frigidaire, à l’efface-poussière
À la cuisinière, au lit qu’est toujours fait
Au chauffe-savates, au canon à patates
À l’éventre-tomate, à l’écorche-poulet !
Mais très très vite on reçoit la visite
D’une tendre petite qui vous offre son cœur
Alors on cède car il faut qu’on s’entraide
Et l’on vit comme ça jusqu’à la prochaine fois
Et l’on vit comme ça jusqu’à la prochaine fois
Et l’on vit comme ça
Jusqu’à la prochaine fois !